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Les yeux télévisions grésillant devant l’écran neigeux, la radio pulsant le dernier son à la mode dans les oreilles, les tokyoïtes se réveillaient chaque jour sous ce soleil télescopique chatoyant, et tremblant derrière les gratte-ciels champignons. Les foules sortaient, immenses et brumeuses, de la bouche des immeubles, le câble de leur Nokia 8110 déjà pointé vers le haut pour certains, les autres tentant de rattraper leur nuit éclatante dans le train bondé. En 1997, le Japon ne savait pas qu’il allait bientôt sortir de son "Lost Decade", alors le peuple avançait l’échine courbée sous le poids des dettes amassées au cours de leur Histoire gangrenée. En 1997, l’industrie bouillonnait par l’échauffement humain et l’effervescence des cerveaux. En 1997, l’Amérique s’échouait en vagues dans la culture japonaise, influençant le mode de vie, la société ainsi que les traditions parfois ancestrales du pays du Soleil Levant. En 1997, la jeunesse se promenait la tête couronnée d’un walkman, R'n'B et grunge enivrant les esprits kaléidoscopiques, trafiquant des cassettes audio qu’ils se dédicaçaient mutuellement. Les parents, eux, se demandaient encore comment retrousser les manches de cette génération pop. Parce que les jeunes se contentaient de traîner leurs baskets, disaient-il, pourtant les vieux n’embauchaient pas non plus de leur côté. Pour eux, cette jeunesse s’engouffrait dans un monde pixelisé aux regards béants et aux senpais idéalisés, tandis qu’ils vivaient encore chez papa et maman. De leur côté, les adultes se plaisaient aussi à cacher leurs Gameboys derrière le dos et à confisquer, pour leurs soirées ennuyeuses, les mangas de leurs enfants. Et c'est ainsi que dans ces dernières lueurs du vingtième siècle, le peuple perdait peu à peu son travail au profit de la nouvelle technologie, se noyant ainsi, les joues rougies d’alcool, dans les néons multicolores de la nocturne tokyoïte et les boites aux boums-boums multiculturels. Les générations s’entrechoquaient, se dévisageaient, et s’accolaient sous les pluies des pétales de cerisiers et les nuées d’ondes de la rougeoyante Tokyo Tower.